SAGA T.10 : A SPACE ODDITY
Petit retour sur le tome 10 de Saga, LA sortie tant attendue de ce mois d’octobre.
Cet article est certifié 100% sans spoiler par un chat mensonge…
⭐⭐⭐ INCONTOURNABLE ⭐⭐⭐
« j’étais la Fille d’une Femme qui, elle-même, continuait d’évoluer »
Pratiquement 10 ans après sa création, ce mois d’octobre signe le retour très attendu de Saga, le véritable fer de lance des séries de comics indé et bijou de la couronne multi-récompensé du catalogue de l’éditeur Image. Si la sortie de ce dixième volume est un évènement, c’est surtout parce-qu’elle intervient presque 3 ans après la parution du précédent et marque par conséquent la fin de la pause qui aura permis à son équipe créative et notamment à sa dessinatrice, Fiona Staples, de prendre un peu de repos sur la série, lui évitant ainsi de son propre aveu de vivre un burnout créatif.
Le scénariste Brian K. Vaughan, qui avait très vite annoncé que ce temps d’arrêt marquait plus ou moins la moitié de son histoire, en profite donc pour inclure ce hiatus de manière intradégétique, reprenant ainsi la suite de son récit après une ellipse narrative de 3 ans derrière la brutale conclusion du chapitre 54.
On retrouve donc la perpétuelle fuite en avant de Hazel, jeune adolescente issue de l’union secrète et interdite de parents appartenant tous deux à des espèces en guerre, qui devra, au fil de ses rencontres, traverser l’Univers et ses nombreux dangers.
Un imaginaire sans limite
Soyons objectif, résumer Saga pour les nouveaux venus est une tache quasi irréalisable car rien ne semble vraiment impossible dans son univers ; des souverains aux crânes cathodiques aux chats qui flairent les mensonges, des nourrices ectoplasmiques aux arbres-fusées… Vaughan semble ne s’être contraint d’aucune limite et, en parfait alchimiste qu’il est, réussi à faire coexister chacun de ces éléments, aussi excentriques soient-ils, en un tout étrangement cohérent.
Aussi, ce tour de force serait certainement vain sans le talent incroyable de la canadienne Fiona Staples qui s’occupe de toute la partie graphique ; que ce soient les planches intérieures, les magnifiques couvertures et de manière générale tout le design de Saga, l’artiste numérique arrive rendre crédible cet univers si singulier grâce à un dessin unique et chatoyant.
Mais plus encore que cet aspect Space Fantasy, la grande force de Saga, c’est avant tout de nous parler de la vie… Là aussi, Vaughan ne ferme la porte à aucun sujet et s’interroge continuellement sur la beauté et l’étrangeté de celle-ci, sur sa violence et sur son caractère parfois absurde. Au fil des pages et grâce à des personnages incroyablement incarnés, l’auteur se saisi avec une honnêteté vibrante de sujets tels que la guerre, la différence, la parentalité, le doute, la dépression, la mort, le deuil, l’identité, la sexualité, l’amour… Surtout l’amour d’ailleurs, tant il est évident que, sans ce cynisme propre à notre époque, l’amour semble être, pour son scénariste, plus que jamais la réponse à tout.
le temps des retrouvailles
Si j’angoissais un peu de retrouver Hazel et ses proches après ces 3 années d’attente, la lecture de ce tome 10 a entièrement effacé mes craintes et m’a rappelé à quel point chacun de ces personnages m’avait manqué. Je le concède d’ailleurs volontiers ici, j’aime résolument tous ces protagonistes. Chaque récitatif de Hazel transcende sa condition de personnage et résonne avec le lecteur, sans jamais se révéler pesant ou moraliste et il me semble plus que jamais impossible de ne pas être boulversé par l’humanité de cette série. Loin de l’image viriliste et arriérée souvent rattachée aux comics, Saga est une série porteuse d’intelligence et de poésie qui confirme une nouvelle fois son rang d’oeuvre majeure et de véritable incontournable du médium, droit dans le sillon qu’elle a creusé depuis ses débuts.
Dans une industrie culturelle sclérosée, souvent morne et dénuée de risque, d’imagination et plus grave encore, de sincérité, Saga sort du lot de par son ensemble baroque et pur, délivrant une véritable bouffée de fraicheur créative. Il y a mille et une raisons d’aimer Saga que ce soit pour la beauté de ses planches, la bienveillance de son propos, l’inventivité constamment renouvelée de son univers ou la justesse de ses personnages … alors si vous voulez lire une œuvre qui fait du bien, rejoignez simplement l’aventure, ouvrez votre cœur et lisez Saga !