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POURQUOI VOUS DEVEZ ABSOLUMENT REGARDER RANKING OF KINGS.

Petit retour sur l’incroyable série Ranking of Kings dont le premier volume paraitra le 7 avril prochain chez Ki-oon.


Alors que le jeu Elden Ring, à peine sorti, s’annonce déjà comme un succès public et critique majeur, l’appétence du public pour la fantasy dans la fiction ne paraît pas vraiment redescendre depuis quelques années.

Au Japon d’ailleurs, la fantasy semble avoir tellement infusé chez son audience que de nombreux créateurs s’approprient depuis plus de 30 ans, avec intelligence et respect, les codes de ce genre originellement très occidental. 

Que ce soit Kentarō Miura avec le manga Berserk, Ryō Mizuno avec l’univers littéraire de Lodoss, Akihiro Yamada et ses illustrations ou Hidetaka Miyazaki avec la série des Souls de From Software, il n’est plus à prouver que le Japon compte parmi les auteurs et autrices les plus talentueux du genre, tous médias confondus. Et aux cotés de ces grands noms, il faudra désormais compter sur un petit nouveau : Sōsuke Tōka.

Akihiro Yamada

UN RÊVE DE QUARANTE ANS

Sōsuke Tōka nait en 1975 et se rêve très tôt une carrière de mangaka. Fin des années 90, alors âgé de 23 ans, il participe et remporte le premier prix d’un tremplin organisé par un éditeur qui fera faillite peu de temps après.

Frustré par cette expérience, le jeune Sōsuke abandonne alors ses rêves d’auteur et rentre dans la vie active comme employé de bureau dans le domaine du web. Il y restera une quinzaine d’années…

Puis en 2016, l’envie se fait trop forte. L’émergence de nouveaux moyens de publication de BD en ligne s’imposent à lui comme une nouvelle opportunité de vivre un rêve vieux de 40 ans. Alors célibataire, il ose le pari de quitter son entreprise et commence à travailler sur sa première série de manga : Ōsama Rankingu ; le classement des rois.

UN MANGA AU STYLE SINGULIER

Ainsi, les premières planches paraissent en 2017 sur le site Manga Hack et se font très vite repérer par le magazine de prépublication mensuel Monthly Comic Beam de KADOKAWA, qui édite notamment le travail de Gō Tanabe sur Lovecraft au Japon. La série trouve petit à petit son public et décroche la 6ème place du prix public TSUTAKA Comic Awards de 2019.

Et pourtant, rien n’est gagné d’avance, le trait de Tōka n’étant pas son meilleur atout sur sa série. Loin d’un style léché et grand-publique, son dessin est épuré et fragile et, si l’on peut lui reconnaitre une véritable évolution au sein des volumes, il est évident que son graphisme polarise et laissera de coté une partie du lectorat plus en recherche d’esthétique que de narration.

D’ailleurs levons toute ambiguïté, contrairement à ce que le style simple et naïf de l’auteur pourrait laisser paraitre, Ranking of Kings est avant tout un Seinen qui traite notamment du rapport à la force et au pouvoir.

extrait d’une des premières planches de Ranking of Kings, Sōsuke Tōka

L’univers du manga se situe dans un monde médiéval fantastique fictif où les différents monarques concourent pour gagner la place du meilleur roi. On y suit particulièrement le récit initiatique du jeune prince Bojji, un enfant sourd et muet au grand coeur et au sens aigu de la justice. Son père, le roi Bosse, géant humanoïde et guerrier émérite, classé 7ème au rang des rois grâce à sa force, semble arriver au terme de son règne. Dans ce contexte particulier, la bienveillance et la gentillesse de Bojji interrogent et font l’objet d’incertitudes de la part son entourage et de ses sujets. 

Forcément Isolé en raison de son statut social et de son handicap, Bojji se lie d’amitié avec Ombre, le dernier rescapé de son clan qui se décide à l’aider à devenir le meilleur des monarques possibles.

UNE RICHESSE DE PERSONNAGES

Si l’histoire peut sembler finalement assez classique avec sa structure de shonen, elle repose essentiellement sur une galerie de personnages particulièrement biens écrits. De même, à l’instar de Oda avec One Piece, qui aurait servi d’inspiration à l’auteur, chaque personnage dispose d’un design unique, dynamique et expressif, Tōka n’hésitant pas à parfois expérimenter à la limite du grotesque ou de la caricature pour les iconiser et les caractériser.

l’expressivité dans le design, à gauche, Eiichirō Oda avec One Piece, à droite, Sōsuke Tōka avec Ranking of Kings

Impossible de ne pas craquer pour certains d’entre-eux… Bojji par exemple, comme Tanjiro de Demon Slayer d’ailleurs, rentre clairement dans cette relativement nouvelle catégorie de personnages masculins positifs qui questionnent et déconstruisent un peu l’idéal du guerrier souvent prôné par ces histoires. Difficile aussi de ne pas faire faire de parallèle entre Bojji et certaines figures de héros muets de quelques RPG japonais tels que les différentes incarnations de Link de la série des Legend of Zelda. Fait particulièrement notable d’ailleurs, le handicap du personnage n’est jamais représenté comme un véritable problème ou comme un moteur de l’intrigue. Les personnages s’adressent à lui avec le langage des signes et seul Ombre verbalise de temps à autres les sentiments du prince, sans que cela ne soit trop artificiel.

CASSER LES CODES

L’autre véritable point fort de Ranking of Kings, c’est surtout de jouer avec les attentes de son lecteur. Il n’est pas rare de voir l’auteur triturer les codes du genre, convoquant et détournant de nombreuses figures des contes et légendes comme celles du miroir magique ou de la belle mère, afin de dérouler son récit de manière fluide mais très souvent surprenante. 

Tōka ne se refuse rien. Si il cite le roman pour enfants l’Histoire sans fin de Michael Ende, adapté au cinéma en 1984 par Wolfgang Petersen, comme une source d’inspiration, il incorpore aussi régulièrement d’autres éléments parfois assez matures, faisant même parfois des échos à la dark fantasy…

À ce jour, la série est toujours en cours de parution. 12 volumes sont sortis au Japon et l’on annonçait fin 2021 un tirage d’1,5 million d’exemplaires en circulation.

Ranking of kings, Sōsuke Tōka, WIT STUDIO
UNE ANIMATION ROYALE

Au japon d’ailleurs, les chiffres de vente furent suffisamment enthousiasmants pour qu’en 2019 soit mise en chantier une version animée par la société WIT STUDIO, connue pour les adaptations de Vinland Saga et surtout pour les 3 premières saisons de L’Attaque des titans, avec à la réalisation Yōsuke Hatta, qui s’est déjà illustré sur One Punch Man et avec la participation de la Japanese Federation of the Deaf, afin de superviser l’animation de la partie en langage des signes.

Et le résultat est là. La série est très qualitative, avec un soin apporté aux cadrages et à la mise en scène. L’adaptation des designs du manga fonctionne particulièrement bien, lissant le style de l’auteur sans ne jamais trahir ses designs. Le rendu final des épisodes évoque parfois le travail des studios Ghibli sur ses décors ou les productions franco-japonaises à la Jean Chalopin pour ses personnages.

19 épisodes sont actuellement sortis, diffusés en France en simulcast sur Wakanim et Crunchyroll et la série connaitrait un franc succès notamment auprès du public chinois avec 48 millions de vues sur la plateforme de partage de vidéos d’animés Bilibili avec seulement 4 épisodes disponibles.

extrait de l’opening de la série, WIT STUDIO
COUP DE COEUR IMMEDIAT

Personnellement, je n’ai rarement eu autant le sentiment d’assister à la naissance d’une oeuvre culte qui marquera son époque qu’avec cette série. Si je devais oser le parallèle, découvrir Ranking of Kings maintenant, c’est comme ouvrir un One Piece en 1997

Impossible de savoir si la qualité de Ranking of Kings restera constante dans la durée mais pour l’instant, il semble certain que l’artiste avait tout planifié et qu’il nous balade avec aisance dans son univers.

En France, la première vague arrive par la série d’animation puisque le manga n’est toujours pas disponible ici. Ce sera très bientôt le cas d’ailleurs le manga arrivant en avril prochain chez Ki-oon avec un rythme de parution bimestriel, au prix de 7€65.

En attendant, je vous mets au défi de regarder le premier épisode et de ne pas sombrer dans devenir totalement fan de Bojji et de son univers.

couverture du tome 1 de Ranking of Kings, Sōsuke Tōka, Ki-oon

Inkfloyd

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