CRITIQUEFRANCO-BELGE

BÉA WOLF : LE LIVRE QUE LES ENFANTS CONSEILLENT À LEURS PARENTS

Teachers, leave them kids alone

⭐⭐⭐ INCONTOURNABLE ⭐⭐⭐

⭐⭐⭐ COUP DE CŒUR DE LA RÉDACTION ⭐⭐⭐


À la fin de mars dernier, 7 ans après Augie and the Green Knight, sortait chez Albin Michel le livre Béa Wolf, dans une parution pratiquement simultanée orchestrée avec l’éditeur américain First Second BooksBéa Wolf marque ainsi la deuxième collaboration entre le scénariste et illustrateur américain Zach Weinersmith et le célèbre dessinateur, scénariste et blogueur bd français, Boulet

Pour ce nouveau livre, Weinersmith s’approprie le mythe de Beowolf, le fameux poème épique anglo-saxon du haut Moyen Âge, influence majeure de nombreux récits modernes, comme ceux de Tolkien, et dont l’origine et l’héritage sont brièvement évoqués en fin d’ouvrage. 
Dès lors, le découpage ne couvre qu’un gros tiers de l’épopée initiale, l’auteur ne se focalisant globalement que sur l’arc de Grendel, ce monstre géant, originellement descendant de Caïn, qui ne supporte plus le tumulte et la joie des banquets du royaume voisin.
Dans cette relecture moderne et allégorique, le royaume idyllique de Coeur-d’arbre est uniquement peuplé d’enfants rieurs, intrépides et ingénieux. Grendel quant à lui, possède le pouvoir de vieillir quiconque il touchera, transformant ainsi les enjoués bambins en adultes ennuyeux et aigris, jusqu’à ce que se dresse le champion de la légende, la valeureuse Béa Wolf.


Avec son opposition entre la magie de l’enfance et le désenchantement du monde des adultes et plus particulièrement avec les archétypes qu’il convoque, difficile de ne pas voir dans l’ouvrage l’influence d’un Roal Dahl ou d’un Bill Watterson… À l’instar de Calvin et Hobbes son aîné, Béa Wolf est avant tout une ode à l’enfance et à l’insouciance véritable.
Mais Béa Wolf surprend aussi et surtout par la qualité de son texte. Riche en allitérations et en assonances, le style est ciselé, raffiné et musical et son charme poétique légèrement désuet n’est pas sans rappeler les écrits de Prévert
Aux antipodes d’une grande partie de la production de livres markétés « pour enfants », Béa Wolf n’infantilise pas son lectorat, bien au contraire. Weinersmith ne se refuse jamais à piocher dans un vocabulaire étendu, parfois un peu anachronique, pour jouer de l’exercice de style et coller au mieux à l’esprit du poème initial, cette volonté de l’auteur rendant la lecture parfois un peu plus exigeante que la moyenne, surtout pour les lecteurs les plus occasionnels. J’en profite d’ailleurs pour souligner l’irréprochable travail de traduction et d’adaptation réalisé par Aude Pasquier qui réussi le tour de force d’en conserver toute l’élégance et le charme.


Contrairement à Augie qui faisait la part belle aux aquarelles, Boulet abandonne ici les techniques traditionnelles pour nous livrer un contenu exclusivement numérique, entièrement réalisé avec le logiciel Procreate. En résulte un travail très généreux puisque chaque page est agrémentée d’au moins une illustration en noir et blanc et si le rendu apparait comme un peu plus brut, il n’en demeure pas moins expressif, dynamique et d’une redoutable efficacité. Chaque personnage déborde de vie et de charisme et j’avoue avoir été particulièrement fasciné par son Grendel qui, dans sa gestuelle dégingandée, m’a directement évoqué le personnage du professeur tyrannique du The Wall de Pink Floyd.
Boulet semble s’être profondément amusé sur ce projet et ça se sent tant le tout suinte d’une forme d’authenticité et de bienveillance vis à vis de cette enfance fantasmagorique que le dijonnais semble particulièrement aimer mettre en scène.


Il faut croire que le verni sélectif doré sur la sur la première de couverture était une promesse, Béa Wolf est un trésor véritable, un projet atypique et précieux, presque une anomalie en son temps, qu’il convient de soutenir et d’encourager. Souhaitons que le succès que semble rencontrer le livre permette à ses auteurs d’en assurer la suite.
Si Béa Wolf amusera les petits, nul doute qu’elle saura aussi ré-enchanter les plus grands.

Inkfloyd

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